La première série importante dans ma trajectoire d’artiste (2010) aborde principalement
la transition entre enfance et adolescence et toutes les expérimentations qui signent
ce moment en sont l’illustration. Les différentes séries qui ont suivi m’ont amenée
à m’interroger sur l’apparence et la représentation des enfants et adolescents dans
nos sociétés puis, peu à peu, sur la famille et ses secrets, ses non-dits.
Un basculement s’est opéré au moment de la pandémie et des différents confinements.
Je ressens alors un désir très fort de me connecter à la nature. Une nuit, je fais un rêve
incroyable qui déclenchera une nouvelle série : il s’agit d’un dialogue silencieux entre
une jeune femme et un lion.
À partir de ce moment, je développe une série de grands formats sur la nature sous forme
de paysages intérieurs. On retrouve les personnages des corpus précédents porteurs
des mêmes interrogations, qu’ils déclinent à l’envi mais cette fois dans des univers qui
peuvent être à la fois bienveillants, oniriques, inquiétants. Les éléments fusionnent,
les plantes, les animaux et les humains deviennent la même racine. Il n’y a pas véritablement
de narration mais ce sont plutôt des énigmes avec des symboles qui renvoient à l’inconscient,
à ma propre mythologie, des scènes-peintures comme autant de temps d’arrêt qui donnent
corps à des déambulations entre rêve et réalité. Ces paysages intérieurs sont des moments
de méditation, ils ouvrent un espace, une réflexion sur un ailleurs différent. Les forêts
que j’explore dans mes toiles sont celles de l’inconscient, des fables,des contes et
des mythologies. Elles sont peuplées d’animaux qui agissent comme des messagers
ou des guides et proposent des clés pour surmonter les épreuves.
Ma vision du monde est globale, holistique. Je pense que tout est interdépendant,
l’humain, la flore, la faune. Nous sommes des poussières d’étoiles reliées au Cosmos,
à la manière du panthéisme de Spinoza qui affirme que nous sommes tous une part de Dieu,
que nous sommes tous Nature.
Ma dernière série "Horti Pensiles" (les jardins suspendus)
se décline en sept grands tableaux principaux, plus une toile précurseur (Promenons-nous dans les bois)
La Rivière qui nous sépare
Cette peinture est issue du premier rêve qui ouvre la série. La scène que j’y décris
représente une jeune femme dialoguant silencieusement avec un grand fauve, paisible
et repu. Dans la suite du récit (qui n’a pas fait l’objet d’une peinture), la jeune femme
se lève et s’accroche au cou du lion. Tous deux s’élèvent dans les airs et survolent
une magnifique forêt.
Hécate et ses chats
Dans la mythologie grecque, Hécate est la déesse de la nouvelle lune.
Cette toile-rêve se situe au coeur de la forêt comme au coeur de l’inconscient.
Un personnage aux aguets entouré de chats, accroupi dans une attitude féline, observe
l’alentour. La scène baigne dans une atmosphère de mystère et de magie.
À quels rituels participe la jeune femme ?
Quelle énigme se cache derrière ce calme, ce temps suspendu ?
Maîtres anciens
Les racines du rêve expriment l’attachement à l’enfance mais aussi le lien puissant
aux énergies ancestrales.
Une femme assise sur une souche d’arbre sollicite ses ancêtres. C’est une manière pour
elle de questionner ses origines et ses racines familiales, de chercher sa place.
Elle interroge son identité, son arbre généalogique. Une brèche s’ouvre sur l’inconscient.
Les Papillons de Séléné
Dans la mythologie grecque, Séléné est la déesse de la pleine lune.
Une femme construit un cairn tout en dialoguant avec un papillon, symbole de l’âme,
de la transformation. D’innombrables petits cailloux semblent indiquer la route ou les routes
à suivre.
Explication aux oiseaux
Une jeune femme tient dans ses mains un cerceau en guise de protection. A sa gauche,
un oiseau, l’air menaçant. Autour et au-dessus d’elle, d’autres oiseaux tournoient évoquant
liberté et légèreté. Ces messagers l’interrogent-ils ou bien, entre ciel et terre, lui apportent-ils
des réponses aux questions qu’elle se pose, aux rêves qui la tourmentent ?
Les Vénéneuses
Cette toile repose sur la dualité : deux femmes, deux chats, deux plantes, deux colonnes,
deux doubles-pierres. Le chiffre 2, symbole de l’échange mais aussi de l’opposition et
du conflit, de la confrontation. Les deux femmes semblent intrinsèquement liées, l’une porte
pantalon l’autre robe. Leurs chevelures n’en font qu’une. De chaque côté d’elles, un agave
aux bras déployés comme deux araignées géantes, inquiétantes.
Petit Poucet
Un enfant immobile, le regard dirigé vers l’intérieur, attend. Aveugle aux animaux qui
l’entourent, eux-mêmes indifférents à sa présence.
On peut noter des petits cailloux à ses pieds. L’enfant serait-il perdu ?
Sa chevelure et son visage se mélangent au feuillage des arbres, comme absorbés par
la nature qui soudain paraît menaçante.
Promenons-nous dans les bois
Un homme semble nous inviter à le suivre pour explorer un univers végétal, dense
et touffu. Il paraît déjà se diluer dans la nature, ne faire qu’un avec elle. Tel un héros
des légendes, il part à la rencontre des sortilèges de la forêt profonde.